Le metteur en scène Nebil Daghssen s'apprête à présenter sa nouvelle création théâtrale lors de la prochaine édition des Journées Théâtrales de Carthage qui se tiendra du 16 au 24 octobre 2015. "Prénom Masque" est le titre de sa pièce qui traite de la question de l'identité en général et de la notion de justice en particulier.
Au sujet de son œuvre nouvelle et de ses projets futurs telle que la fédération du théâtre d'improvisation, Nebil Daghssen a bien voulu nous accorder cette interview.
-Votre nouvelle création théâtrale "Prénom masque" a été sélectionnée pour les JTC, pouvez-vous nous la présenter?
11 août 1987, il est 6h00.
Un bord d'autoroute. Nulle part en somme.
L'endroit idéal pour abandonner le corps meurtri, la dépouille offensée d'une fillette, et la noyer d'anonymat. Mais le village près duquel l'enfant sera retrouvée ne permettra pas l'oubli.
Les Dineh et leurs rituels non plus d'ailleurs.
Qui est cette petite fille morte torturée, laissée sans prénom, sans indice sur son identité ? Une Gitane? Une Arabe?
Une étrangère, quoi qu'il arrive.
Des corps, des cordes, des masques nous plongent dans ce fait divers et le réinventent.
Voilà l’histoire de "Prénom Masque" que j’ai écrite en revenant des Théâtrales de Carthage 2013 après avoir présenté "Kamikaze". "Prénom Masque" est une pièce de théâtre/danse mise en scène par moi même et chorégraphiée par Lucile Latour. Il faut savoir que dans la pensée orientale, aux arts d’Asie, il n’y a pas de mots pour différencier le théâtre de la danse, je partage cet avis.
"Prénom Masque" réserve des surprises à ses spectateurs. J’ai l’envie d’inventer un théâtre du 21 ième siècle...
-De quelle thématique traite-elle?
"Prénom Masque" traite de l'identité, de la question de l’étranger, mais aussi de la violence familiale, du vivre ensemble, du racisme et de la notion de justice. Cette pièce s'inscrit aussi dans une logique qui se bat contre l'oubli. Le jeu, l'écrit permettent de ne pas tomber dans l'oubli. Tu joues, tu t'exprimes donc tu existes.
-Comment trouvez-vous la scène théâtrale tunisienne?
Moi qui voyage beaucoup, j'aimerais d’abord dire que le théâtre tunisien et son histoire ont une vraie légitimité et reconnaissance dont je suis fier.
Mais en tant que jeune "auteur en scène" porteur d’un renouveau théâtrale tunisien, je suis mitigé.
D’un côté, je trouve cette scène foisonnante, dynamique avec de nombreux talents et compagnies à Tunis mais aussi en province: à Bizerte, Médenine, Douz et j’en passe. J’adore le travail de Guennoun à EL HAMRA sur la perspective d’un théâtre africanisé, l’énergie et la magnifique plateforme théâtrale et artistique d'EL TEATRO de Taoufik Jebali à Tunis où Kamikaze ma précédente pièce de théâtre sélectionnée aux JTC a été joué. Humblement, c’est un appel que je fais à tous les jeunes artistes tunisiens, on a besoin de tous. Je crois qu’il faut plus, bien plus encore aujourd’hui, pour que le théâtre devienne l’écho de nos rêves, nos espoirs, et notre société tunisienne en métamorphose… Jouons! Déclamons! Choquons! Faisons réfléchir! Ce n’est pas notre rôle. C’est notre nécessité. Notre devoir.
-Quels sont vos griefs alors?
De l’autre côté je vois de nombreux amis comédiens, même avec de l’expérience, qui galèrent pour faire naître des projets. Etre payé 80 dinars pour une représentation théâtrale n’est pas possible. Ce n’est pas humain vu le travail que cela demande. Par exemple, j'ai développé en France une pédagogie théâtrale en partenariat avec l’éducation nationale dans des établissements scolaires depuis 10 ans avec ma compagnie MA QUETE CONCEPT. Ce qui permet à la fois aux jeunes de s’ouvrir très tôt à la culture, mais aussi aux artistes, quand ils ne jouent pas sur scène, d’avoir une rentrée d’argent qui leur permet de vivre en donnant des cours.
-Vous pensez donc qu'il faut revoir le statut de l'artiste tunisien?
Je serais pour une sorte de RENOUVEAU du statut d’artiste en Tunisie, à l’image de l’intermittence française. Si le ministre de la culture tunisien le souhaite, je suis prêt à m’y investir pour réfléchir à cela. Le renouveau artistique tunisienne en dépend. On ne peut pas rêver d’une nouvelle pièce, écrire une chanson ou peindre et en même temps vendre du pain ou travailler dans un café 7h par jour. A mon échelle personnelle, j'essaye de mettre en place la fédération du théâtre d'improvisation en Tunisie. L'année dernière, j'ai été sollicité par l'institut français au Liban pour faire une tournée à travers le pays et ça a cartonné. Pourquoi ne pas relever ce pari en Tunisie?
-Vous vivez à l'étranger, comment voyez-vous les chamboulements qui sont en train d'être opérés dans le monde arabe entre violence, perte et recherche d'identité?
Oui, je vis entre Paris, Tunis et Beyrouth.
Je suis profondément arabe et méditerranéen dans ma peau, mon théâtre et ma poésie. Même si ma langue parlée n’est pas à la hauteur de mon imagination.
Ces chamboulements que je vois, sont à mes yeux, et je le dis avec une profonde tristesse, le prix à payer de notre émancipation, de notre liberté vis-à-vis des dictateurs, de l'oppression, de l’occidentalisme à outrance.
Quant à notre identité, je ne partage pas l’idée qu’elle soit figé. Elle est aujourd’hui, et j’en suis sur entrain de renaître avec de nouvelles générations qui prendront la relève en rêvant et en imaginant notre monde arabe de demain. J’en ai l’intime conviction. J’ai l'espoir.
Affiche du spectacle Prénom Masque
Les membres de la troupe:
Auteur Metteur en scène : Nebil Daghsen
Chorégraphe & Collaboration artistique : Lucile Latour
Dramaturge & Collaboration artistique ; Valérie Maureau
Environnement visuel & sonore : Mazyar Zarandar
Vidéaste: Elodie Bougoin
Avec : Rémy Chevillard, Clément Garcia, Léa Mécili, Hadi Rassi, Aurélie Gourves.
Chiraz Ben M'rad
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